Propos recueillis par Raoul Mbog (Luanda, envoyé spécial)
Le Monde.fr Le 07.12.2015 à 14h28
Isaias Samakuva sera-t-il le
prochain président de l’Angola ? En cas de victoire de l’Union nationale
pour l’indépendance totale de l’Angola (Unita) aux élections générales prévues
en 2017, il pourrait succéder
à José Eduardo dos Santos, 73 ans, dont trente-six ans au pouvoir.
M. Samakuva a été choisi, samedi 5 décembre, par les militants pour présider
l’Unita au terme du congrès du parti, à Luanda, la capitale angolaise.
L’homme de 69 ans a combattu auprès du guérillero Jonas Savimbi, fondateur de ce parti nationaliste, tué en 2002. Son objectif est de parachever la reconstruction de l’Unita, débutée avec la disparition de son chef historique et la fin de la guerre civile qui a opposé le parti au Mouvement populaire pour la libération nationale de l’Angola (MPLA) de José dos Santos pendant vingt-sept ans. Isaias Samakuva envisage « une large convergence entre l’opposition et les organisations de la société civile pour réussir l’alternance » en Angola.
L’homme de 69 ans a combattu auprès du guérillero Jonas Savimbi, fondateur de ce parti nationaliste, tué en 2002. Son objectif est de parachever la reconstruction de l’Unita, débutée avec la disparition de son chef historique et la fin de la guerre civile qui a opposé le parti au Mouvement populaire pour la libération nationale de l’Angola (MPLA) de José dos Santos pendant vingt-sept ans. Isaias Samakuva envisage « une large convergence entre l’opposition et les organisations de la société civile pour réussir l’alternance » en Angola.
Isaias Samakuva Depuis 2003, nous avons inlassablement travaillé pour
reconstruire notre formation politique, l’unifier et lui redonner
un sens après les années tourmentées de la guerre civile. Les militants se sont
tous attelés à lui redonner une stabilité psychologique et financière. Tout
cela est réussi. Aujourd’hui, une nouvelle étape s’ouvre : nous mobiliser
pour le changement que nous voulons mener
en Angola. Ce changement exige de réunir
toutes nos forces pour convaincre nos concitoyens. Cela nécessite de renforcer
le dialogue que nous avons débuté avec la société civile, les organisations non
gouvernementales et les déçus du parti au pouvoir, dont certains rejoignent nos
rangs.
Le mouvement est déjà en marche. Avec les autres
partis de l’opposition, représentés à l’Assemblée nationale, nous défendons des
propositions communes. En ce qui concerne les déçus du MPLA, beaucoup d’entre
eux viennent déjà discuter
avec nous sur la manière d’améliorer la situation sociale et économique du
pays. Le mécontentement est tel que nous sommes contraints de parler
d’une même voix.
Dans un paysage politique
dominé par le MPLA, de quels atouts votre parti dispose-t-il ?
Notre force, c’est l’offre de justice sociale que nous
faisons depuis des années. Il se trouve que la crise économique que traverse
l’Angola joue en notre faveur, car elle démontre qu’elle n’est que la
conséquence d’un déficit de justice
sociale et de gouvernance.
La population
est usée, acculée par toutes sortes de problèmes : un chômage à 23 %,
le manque d’eau et d’électricité, des restrictions de libertés. Si, avant, les
Angolais craignaient de s’afficher à nos côtés, désormais beaucoup d’entre eux
nous demandent de les aider
à trouver
une solution : ils ont soif d’autre chose.
Quelle proposez-vous concrètement aux Angolais ?
Les propositions de l’Unita sont claires. En ce qui
concerne la situation économique, nous disons depuis des années que le secteur
stratégique, c’est l’agriculture et non les hydrocarbures. L’agriculture est
une mine d’emploi
considérable. Ce n’est qu’en développant ce secteur que nous pourrons résoudre
l’insécurité alimentaire, qui est un vrai problème en Angola. Développer l’agriculture oblige à résoudre le déficit
énergétique. Il y a tellement de choses possibles pour résoudre les pénuries
d’eau et d’électricité dans un pays comme le nôtre qui dispose du deuxième
bassin hydraulique d’Afrique.
La principale erreur du gouvernement est d’avoir concentré toute son attention
sur le pétrole et les ressources minières. La diversification de l’économie, sortir
du tout-pétrole,
ce n’est plus seulement une obligation, c’est une question de bon sens.
Lire aussi : L’essor urbain de Luanda attire les PME françaises
Le gouvernement tient le même discours… quelle est
donc la différence ?
La différence est que le gouvernement, lui, ne tient
que des discours justement. Il ne met rien en pratique pour une raison simple :
sa vocation n’est pas d’aider la population à s’en sortir.
Une alternance politique est-elle possible en
Angola ?
L’alternance est possible précisément à cause de la
situation délétère du pays sur le plan économique et sur la plan du respect des
droits et des libertés. La crise économique actuelle est non seulement due à la
focalisation du gouvernement sur le secteur du pétrole, mais surtout aussi à la
corruption. Depuis la crise du cours du baril du pétrole, les Angolais
s’entendent répéter
qu’il n’y a pas d’argent. C’est faux ! Ce pays n’est pas pauvre, il est
mal géré. Nous mettons le gouvernement au défi de démentir
cela. Le rôle de l’opposition est d’expliquer, d’aller au plus près des
citoyens, à l’intérieur du pays, car L’Angola ne se limite pas à Luanda. Nous
faisons ce travail avec passion. Nous sommes prêts pour l’alternance.
Y a-t-il une chose que le gouvernement du président
dos Santos a réussie ?
Oui ! Pendant des années, le régime nous a fait passer
pour des sauvages, des gens sans aucune expérience sur rien et qui ne veulent
pas le bien de leur pays. Mais cette propagande ne fonctionne plus. Chaque fois
que nous nous exprimons sur un sujet, nous apportons des preuves. Et, de toutes
les façons, les faits parlent d’eux-mêmes. C’est aussi pour cela que, depuis le
début de la crise il y a un an, les effectifs de notre parti augmenté :
nous avons enregistré plus de 250 000 nouveaux adhérents dans les villes et les zones rurales. Cela témoigne d’une
soif de changement et de solidarité.
Depuis la fin de la guerre civile en 2002, où en
est la réconciliation nationale en Angola ?
Cela reste une grande préoccupation pour nous. Des
millions d’Angolais sont nés et ont grandi avec une culture de la confrontation. Le gouvernement ne
fait rien pour remettre
les gens ensemble, pour créer
la cohésion. Il parle d’unité, mais, dans la pratique, tout semble fait pour diviser.
Les discriminations à l’embauche sont nombreuses, selon que vous êtes ou non
proches du régime. Pour une réconciliation réussie et durable, tous les
Angolais doivent se sentir
protégés et égaux devant la loi. Nous faisons notre part en matière de
réconciliation. Nous expliquons l’urgence de changer
les mentalités, nous reconnaissons notre part de responsabilité dans ce qui a
pu arriver
dans ce pays. Mais nous montrons surtout que, malgré tout, nous pouvons vivre
et prospérer
ensemble.
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